Aujourd'hui je vous parlerai de l'habit d'uniforme français de 1690 à 1812. La première de ces dates est celle des ordonnances de Louvois rendant obligatoire l'habillement uniforme que le Roi avait déjà prescrit à sa Maison, et que les Colonels et Capitaines avaient réalisé progressivement, grâce en particulier au don d'un justaucorps par recrue accordé par le Roi depuis 1674. La seconde est celle de l'adoption de l'habit-veste qui marque une discontinuité dans l'évolution.
Le justaucorps de 1690 est un vêtement sans col, ample, tombant jusqu'aux genoux, de teinte unie. Ses manches sont très longues et taillées en forme de tronc de cône, la partie la plus large vers le bas. Par temps froid la main peut ainsi être protégée, mais en temps ordinaire ou pour manier l'arme ces manches sont repliées vers l'extérieur et forment un parement, généralement maintenu par une série de boutons cousus horizontalement sur la manche, La couleur de ces parements varie avec les régiments. La doublure apparaît en haut du justaucorps dont les premiers boutons sont rarement boutonnés, puis au col, qui lorsqu'il commencera à exister sera souvent rabattu. Elle apparaîtra ultérieurement (vers 1755) au bas du vêtement qui, fendu par derrière, sera de plus en plus porté avec ses pans retroussés, la pointe de devant étant accrochée à celle de derrière.
Le justaucorps, qu'on appelle maintenant habit, est porté par-dessus une veste, gilet à manches souvent utilisé seul en tenue journalière. Très longue, cette veste apparaît au bas de l'ouverture de l'habit, surtout lorsque les pans de celui-ci sont retroussés.
Malgré les teintes peu variées de l’habit (gris de plus en plus clair, bleu ou rouge) la couleur distinctive des parements et éventuellement de la veste, la disposition des poches en long ou en travers des basques, le métal et la disposition des boutons permettent des combinaisons variées propres à chaque régiment. La couleur distinctive va d'ailleurs s'étendre : nous avons vu que l'habit était rarement boutonné jusqu'en haut ; ses revers rabattus initialement comme ceux de nos actuels vestons prennent de l'ampleur et il devient nécessaire de les maintenir par une rangée de boutons à droite et à gauche (sept boutons de chaque côté en définitive). Les boutons du haut de l'habit, cachés sous ces revers, sont désormais inutilisables et comme il faut bien fermer le vêtement on agrafe les revers l'un à l'autre, Seuls subsistent les boutons du bas (trois en définitive) que l'on s'abstient peu à peu de boutonner.
Apparus vers 1760 dans les régiments étrangers, ces revers de couleur sont étendus à toute l'Infanterie en 1762. Dès cette époque les parements ont rétréci et ne peuvent plus être rabattus sur la main, il devient même difficile d'enfiler cette manche étroite par-dessus celle de la veste. Aussi en 1775 une ordonnance rend-elle réglementaire une manche d'habit fendue en-dessous et fermée par quatre boutons cousus verticalement. Cette même ordonnance prescrit un col droit en place du col rabattu adopté en 1767.
En 1786 enfin, un règlement donne à l'habit la coupe très dégagée sur le ventre et les cuisses qu'il conservera sous la Révolution et l'Empire. La fente au bas de la manche n'est plus fermée que par trois boutons dont les boutonnières seront aux termes d'un règlement de 1791 portées par une patte de parement. Ce même règlement de 1791 supprime les trois boutonnières inutiles au bas du devant gauche de l'habit mais laisse subsister les trois boutons du devant droit.
Ne croyez pas cependant que la silhouette du soldat républicain ou impérial n'évolue pas en vingt ans de guerre. Initialement les basques sont longues et ce sont toujours leurs angles agrafés l'un à l'autre qui forment retroussis. La mode vient progressivement d'habits plus étriqués, à basques plus courtes, à taille plus haute, à revers plus échancrés. Les retroussis vers 1807 deviennent fictifs, c'est-à-dire qu'ils sont cousus sur les basques. Le triangle de drap du fond qui apparaissait encore au bas de la basque disparaît vers 1810.
Un nouveau vêtement : l’habit-veste, est prescrit en 1812 pour les remplacements de l'année suivante.
De toutes ces prescriptions, certaines ne faisaient que constater une évolution en cours, d'autres au contraire ne furent appliquées que progressivement ; mais en gros vous voilà capable de dater un document à une dizaine d'années près ou de choisir sans anachronisme criant la figurine correspondant à ce que vous voulez représenter.
F.Buttner