La sabretache tire son origine du mode d'alimentation des cavaliers hongrois aux temps des grandes invasions des IXe et Xe siècles, qui les conduiront dans les vallées du Danube et du Rhin et en Italie avec des raids en Lorraine, en Champagne et jusqu'au Languedoc.
• L'aliment de réserve du nomade hongrois c'est la viande fumée, roulée en boules après séchage. Ces boules, transportées dans des outres, sont, à l'étape, diluées dans de l'eau bouillante pour donner une nourriture particulièrement riche en principes nutritifs. Il suffit donc, dans les régions désertes ou déjà dévastées, de pouvoir faire du feu. Pour cela le cavalier hongrois dispose des éléments du briquet: la pièce d'acier et le silex dont le choc donne l'étincelle, ainsi que le morceau d'amadou, qui la recueille puis s'enflamme. Mais, pour bien fonctionner, ces instruments doivent être tenus à l'abri de l'humidité. Aussi, le cavalier les enferme-t-il dans un petit sac confectionné en peau, poil retourné. Une plaque de métal, pouvant même être d'argent ou de vermeil, fixée sur le dessus sert à la fois de protection supplémentaire et d'ornement chez un peuple toujours frappé par l'éclat de la richesse d'un objet. La petite sacoche, portée en sautoir à l'aide d'une banderole devient un des éléments constitutifs de la tenue à la hussarde.
• Comment, dans le premier quart du XV eme siècle, cette sacoche, battant les flancs du cavalier à hauteur des fesses, est descendue à côté du sabre dont elle prendra, en langue allemande, la dénomination de « säbeltasche », littéralement "poche de sabres"? S'agit-il d'une survivance du port au Moyen Age de l'escarcelle suspendue à la ceinture du fait de l'absence de poche dans les vêtements de ce temps? Où bien, par suite de l'adoption par la cavalerie, au XVIIe siècle, de l'arme à feu longue entraînant le port en sautoir de la giberne contenant les munitions, la sacoche est descendue au niveau du sabre pour lui faire place ? Ou encore, c'est l'opinion du général Bardin, une trace d'une mode orientale venant des Turcs. Il est vrai que depuis son origine cette commodité a perdu de son importance. Elle ne contient plus que les menus objets personnels, tels que ceux du fumeur, que la forme collante donnée à la tenue hussard ne permet pas de porter dans les poches.
• Un fait est certain, souligné par l'archéologue militaire Michel Pétard, durant tout le XVIIIe siècle l'équipement des hussards passés au service français, en 1692, ne varie pas. Le ceinturon coupé par trois anneaux supporte, en plus des deux bélières du sabre, trois autres bélières de longueur égale destinées à la fixation de la sabretache. Chacune d'elles passe dans un anneau correspondant cousu sur le haut de la sabretache avant de se boucler par dessus.
• Le XIXe siècle ne voit aucun changement apporté à ce système de fixation. Durant cette même période, la sabretache termine son évolution pour ne plus devenir qu'un élément décoratif auquel les hussards restent très attachés par tradition. Le sac de cuir d'origine avait vu sa patelette recouverte de drap se prêtant à recevoir une décoration de galons et de broderies pouvant être d'une grande richesse.
• Dans le souci de protéger en campagne les ornements, il est imaginé l'étui couvre-sabretache. Puis, c'est la mise en service d'un modèle plus robuste en cuir de vache noire lisse orné en son centre d'une pièce de cuivrerie. La sabretache à patelette de drap étant réservée pour la parade.
• Paradoxe, c'est dans le pays d'origine de la sabretache qu'elle disparaît la première. Le règlement de 1860 sur la tenue des hussards hongrois la supprime définitivement. En France, la décision ministérielle du 15 juillet 1870, relative à la tenue à prendre pour la campagne franco-allemande, prescrit que les sabretaches seront laissées dans les dépôts. Il n'en sera jamais plus question. La sabretache continue de figurer clans la tenue de parade des armées allemandes et britanniques jusqu'à la première guerre mondiale. Elle existe encore, de nos jours, dans le régiment danois des hussards de la garde. À pied, les hussards savaient, d'un coup du talon gauche, donner à la sabretache un gracieux halan, cher au chic du cavalier léger.